Eddie Ladoire, Intimité zéro, avril 2020
Photographies, bande son
Cette proposition, regroupe un ensemble de captations sonores et photographiques du paysage quotidien de l’artiste, réalisées pendant la période de confinement.
En marge de la série Intimité (1 à 10), Eddie Ladoire envisage ce numéro « zéro » comme un acte de résistance poétique et un retour à l’essentiel…
Partie 1 (7H)
Partie 2 (12H)
Partie 3 (21H)
« Ma démarche d’écriture sonore a pour point de départ les enregistrements des propriétés de lieux d’architecture, de villes ou de paysages, sur le terrain. De cette collecte minutieuse de sons et par des montages étudiés, naissent mes travaux de composition ou d’installation et, notamment, la série intitulée Intimité, de 1 à 10. A chaque fois, je dédie une Intimité à un lieu à l’architecture particulière, à un quartier, à une ville. Ces installations faites de micro-fictions, de bribes d’intimités, de discussions, de sons du quotidien aptes à créer des images mentales, mêlent le temps figé par l’enregistrement et le temps présent de l’auditeur. La frontière entre le réel et l’imaginaire devient fragile. D’où proviennent les sons ? S’agit-il de sons diffusés ? De sons naturels ? Ces œuvres en écho se déploient comme une large partition sonore aux fragments multiples pour écrire un seul et même récit, celui des lieux traversés.
Ma pratique habituelle est nomade, je voyage. J’enregistre partout pour saisir les sons cachés sous les bruits ambiants, les variations infimes, les ondes mineures. Je rencontre aussi. Je capte les mouvements humains et les intimités en recueillant des paroles, confidences chuchotées, chants, cris. Je dois glaner des matériaux et sortir de mon atelier pour mieux y revenir.
Avec le confinement, bien sûr, je ne peux plus présenter mes travaux normalement mais, surtout, je ne peux plus développer ma pratique librement. Double peine. Pas de déplacement, pas de rencontres, le point mort a priori. Et une grande envie d’aller enregistrer les villes en partie désertées à laquelle je dois renoncer alors que l’occasion est inédite.
Confiné face au même paysage, je me découvre pourtant chanceux d’avoir une fenêtre avec vue, ouverte sur la nature.
J’observe avec plus d’attention ce paysage familier qui se modifie parfois de manière très subtile au fil des heures. Et j’écoute. Au bout de quelques jours déjà, je perçois de nouveaux sons, des chants d’oiseaux jamais entendus, des insectes qui investissent sans crainte les espaces abandonnés par l’homme. Plus de voiture, moins de trains, moins de sons liés à l’activité viticole, quelques voix depuis les jardins alentours. J’avais déjà beaucoup enregistré cet environnement que je ne reconnais plus à l’oreille.
Confronté à ma propre intimité, avec le besoin de retrouver l’extérieur et la nature, je reprends mes micros et mon appareil photo pour capter, matin, midi et soir, ce qui est désormais mon paysage quotidien et ses imperceptibles variations. Ce retour sur soi est aussi un retour à l’essentiel, l’Intimité zéro avant les autres Intimités.
L’installation Intimité zéro est comme un acte de résistance poétique : travailler malgré tout, créer malgré tout et fixer pour après cette nature retrouvée, la préserver au-delà du confinement, faire en sorte que l’homme y reprenne sa place mais plus modestement, avec humilité. C’est possible, je le vois et l’entends tous les jours.
Intimité zéro est mon témoignage. L’installation est composée de trois tirages photographiques et d’une bande-son » Eddie Ladoire, avril 2020
Eddie Ladoire est né en 1975, il vit et travaille dans la région de Bordeaux.
Ayant suivi un double parcours en Arts appliqués et en musique électroacoustique au Conservatoire de Bordeaux, Eddie Ladoire est à la fois plasticien et compositeur. Cet artiste-activiste est aussi à l’aise dans ses projets d’expositions où le rapport à l’intime est omniprésent, que dans ses productions sonores où il nous invite à repenser nos rapports au son, à l’écoute, à l’espace et à la ville. Auteur de pièces radiophoniques et de cartes postales sonores, il a exposé dans de nombreux centres d’art ou manifestations d’art contemporain en France et à l’étranger. Il réalise des créations sonores pour des scénographies d’exposition, compose des bandes-son pour le cinéma, des vidéos ou des documentaires et développe aussi des projets numériques dont Listeners application pour des parcours sonores géolocalisés et Audio Room, outil pédagogique.
Depuis 2014, il déploie l’ensemble de ses projets au sein d’Unendliche Studio, son agence de production.
Le Petit Programme réunit 12 artistes familiers et partenaires fidèles de la programmation du centre d’art. Ce projet inédit et inhabituel leur consacre tour à tour une semaine de carte blanche pendant laquelle ils proposent chacun trois œuvres.
Le Petit Programme est également présenté dans l’espace d’exposition de La Kunsthalle Mulhouse, tel un projet en construction alimenté au fur et à mesure des semaines.