Hui Zhang, designer culinaire présente « Voyage d’une recette »,
une performance qui se déroule tout au long de l’exposition Qalqalah قلقلة : plus d’une langue.

Le projet de Hui Zhang s’inspire de l’exposition pour faire voyager une recette de cuisine et en consigner une multitude d’interprétations. Il se décline en deux temps : le premier sera mulhousien, le second dépassera la ville et les frontières, échappera à ceux qui ont initié le projet.
Il y a pour commencer une recette révélée par Hui Zhang. Elle sera transmise oralement à un premier cercle d’une dizaine de cuisiniers mulhousiens. Chacun s’appropriera les ingrédients et les consignes, rien de strict, rien d’obligatoire toute transformation, amélioration ou extrapolation sera autorisée. La seule exigence est de laisser un témoignage oral, visuel ou écrit qui à son tour pourra être interprété par qui le découvrira sur le site internet de La Kunsthalle.
C’est ainsi une véritable chaîne d’interprétation qui se formera et se répandra aussi longtemps que la recette sera reprise. Chaque témoignage qui parviendra à l’artiste ou au centre d’art sera consigné sur une carte du monde qui petit à petit dessinera le voyage de la recette.
À l’occasion de l’ouverture de l’exposition Qalqalah قلقلة : plus d’une langue, les cuisiniers et élèves de l’association Epices cuisineront une des premières interprétations de la recette et c’est aux habitants du quartier de la Fonderie que les plats seront distribués dans des bocaux à emporter. Ils seront les « spectateurs » et « dégustateurs » d’une œuvre qui aura déjoué les restrictions d’accès à la culture.

Pour participer, rendez-vous sur la page Voyage d’une recette à Mulhouse !


« Là où s’épanouit le mélange culturel, l’évolution culinaire fleurit. La cuisine fut beaucoup développée grâce au brassage culturel, voire politique. Elle s’adapte, évolue, se transforme et par la suite s’installe sur le nouveau territoire.
Comme les langues sont inséparables des corps, qui parlent et écoutent, la cuisine ne vit pas sans les personnes qui cuisinent et se nourrissent.
Vivante, la cuisine se transforme selon plusieurs facteurs : les ustensiles, les ingrédients, les techniques, le climat, les goûts personnels, la situation économique et politique… À mes yeux, tout cela constitue l’ADN de la nourriture. Comme par exemple notre visage, qui compose avec des caractères variés tels un œil, un nez, une oreille, et ainsi nous différencient. Chacun a un visage unique.
De même quand on décompose un plat par ses caractéristiques, on y voit quasiment les mêmes logiques dans toutes les cuisines, par exemple, un plat mijoté, des légumes farcis, une soupe ou un bouillon. Pourtant chaque plat est unique. Les recettes peuvent avoir plusieurs versions dérivées et quand elles se transmettent elles se transforment.
Malgré le fait que les mots «vrai» ou «authentique» apparaissent la plupart du temps dans les publicités alimentaires, nous consacrons souvent beaucoup d’efforts à reproduire un plat dont la recette n’appartient pas au territoire, que ce soit le produit ou le goût. Pour les béotiens, cette pratique/expérience nous aide à remonter à l’origine de sa culture et son histoire. Pour les connaisseurs, c’est l’expérience d’une nouvelle découverte.
Vouloir reproduire à tout prix une recette que l’on croit traditionnelle, c’est oublier qu’elle est elle-même riche de création et d’innovation, nourrie par l’histoire humaine.
L’intérêt de revisiter une recette traditionnelle est de nous confronter, d’expérimenter.
Le danger à force de réinterpréter les recettes d’origine, serait de perdre tout un patrimoine culinaire comme pour les dialectes qui finissent par disparaitre à force de ne plus les pratiquer. En Chine, la plupart de la population est Han, pourtant il y a 56 ethnies et près de 120 langues différentes dans ce pays en comptant les langues régionales ou minoritaires. La préservation du dialecte face à la popularité du mandarin est l’une des choses sur lesquelles la Chine travaille.
La mémoire de goût est plus forte que toute forme de communication car elle a son propre cheminement, voyage dans le temps et existe indépendamment de l’autre. Les générations changent mais la mémoire de la nourriture  reste à jamais sur nos langues et dans nos têtes. C’est donc essentiel d’en parler, de raconter son histoire tout en cherchant la traçabilité de sa vie. » Hui Zhang

La Kunsthalle et l’association ÉPICES invitent Hui Zhang pour une résidence culinaire en 2021.
Le projet panache des temps d’ateliers de création, menés par l’artiste en collaboration avec des publics mulhousiens, au sein d’ÉPICES et des temps de restitution à La Kunsthalle lors des vernissages lorsque les conditions le permettent.
La résidence culinaire bénéficie du soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles Grand Est.