Jan Kopp, Rien d’extraordinaire, des idées trouvées sur la route, 2020
2 vidéos, couleur, son et 1 dessin

« J’ai fait cette marche de deux jours en espérant provoquer une situation dans laquelle quelque chose se révèlerait : un événement, une expérience, une rencontre, un objet, une forme.
Marcher : le flux des pensées, l’isolement dans des paysages anonymes et passagers, l’observation, des états d’exaltation. Soumise à la réalité des routes et des sentiers, la marche est physiquement et spatialement conditionnée. Elle est une succession de possibilités et d’obstacles. Marcher c’est négocier continuellement avec ce paradoxe, qui m’absorbe entièrement.
Cette marche est le prolongement d’une proposition que j’ai faite à un groupe d’étudiants des universités de Lyon pendant le confinement, avec lequel j’avais entrepris des balades urbaines entre octobre 2019 et février 2020. Je leur ai demandé de filmer trente pas de leurs déplacements quotidiens sur le kilomètre autorisé. Il s’agissait de filmer en marchant, d’abord les pieds, puis de monter la caméra (en l’occurrence de téléphones portables) et revenir sur le même cadrage des pieds en plan séquence. La vidéo de ce travail de groupe à distance présente un assemblage de lieux et de paysages plein de contrastes. »

Jan Kopp, Rien d’extraordinaire 1, 2020
Vidéo, couleur, son, 8’23


Capture d’écran


Jan Kopp, Rien d’extraordinaire 2 (Mücken über meinen Kopf), 2020
Vidéo, couleur, son, 41 »


Capture d’écran

« Le premier périmètre du déconfinement, 100 km, correspond à la distance qui sépare l’appartement où je vis à Lyon de la maison-atelier en Bourgogne du Sud où j’étais confiné avec ma famille. C’est ce que j’ai choisi comme trajet pour cette marche de deux jours.

A l’aide de cartes IGN et du GPS de mon smartphone, j’ai navigué en évitant les trop grandes routes et en cherchant malgré tout le parcours le plus proche du « vol d’oiseau ». Ainsi mes yeux passaient constamment du paysage autour de moi à sa représentation cartographique et vice versa. Trois ou quatre fois j’ai mal interprété ce que je lisais et ai du rebrousser chemin. Il est arrivé aussi qu’un sentier inscrit sur les cartes soit en réalité englouti par une végétation probablement de plusieurs années, et me force à ressortir d’un champ de blé que j’avais espéré comme voie alternative, mais qui ne menait nulle part. Ce type d’événement dans ce contexte peut se vivre comme une catastrophe.
Marcher est un rythme, d’abord donné par le pas puis par une ou deux branches transformées en bâtons, et la respiration.
Sur ce rythme se sont malheureusement accrochés des airs de musique pop glanés dans une superette où j’avais acheté mon pique-nique (tel Black is Back, Los Bravos, 1965). Pour changer ce répertoire, je n’ai rien trouvé d’autre dans ma radio cérébrale qu’une chanson mélancolique de Sting entendue deux jours plus tôt dans un petit restaurant indonésien à Nantes. Une bizarrerie musicale mentale s’imposait également : une version a cappella d’une chorale d’homme de (Hey) You’ve got to hide your love away des Beatles, entendue sur les ondes de SWR2 en voiture deux semaines plus tôt non loin de Stuttgart. »


Jan Kopp, Le Cow-boy de Lamure-sur-Azergues, 2020
Dessin

« Je suis assis en train de boire un grand café au lait sur une terrasse. Il est 8h. Déjà 3h que j’ai quitté le col de Saint Cyr du Chatoux où j’ai passé la nuit. Je suis à Lamure sur Azergues. Nous sommes samedi jour de marché. La masculinité de la clientèle s’affiche. Sur le parking d’en face un homme sort d’une fourgonnette blanche. Son contraste avec le reste du public qui m’entoure retient mon attention. Il porte un chapeau de cow boy noir, un gilet en cuir sans manche de la même couleur, un pantalon bleu vif, et des boots, talons biseautés, avant pointu. De longs cheveux gris dépassent sur ses épaules. Une visière anticoronavirus protège son visage. Des croissants de lune dorés ornent ses oreilles, le même motif lui sert de pendentif. Il se dirige vers une coopérative bio, en ressort avec un litre de lait, et repart. Je le reverrai une heure plus tard sur ma route en train de laver sa voiture. J’hésite à lui parler. »

 

Jan Kopp est né en 1970, il vit et travaille à Lyon.
Dessin, vidéo, sculpture, performance, l’ensemble de ces médiums sont présents dans sa pratique, pourvu qu’ils lui laissent la possibilité de prolonger une rencontre. L’ »être ensemble » est un thème qu’il explore sous différentes formes aussi bien participatives que contemplatives. Il s’intéresse à la ville qui est un vivier formidable d’architecture mais aussi de chaos, d’organisations sociales et de personnes. Elle lui offre des espaces à arpenter et des détails à observer.

Le Petit Programme réunit 12 artistes familiers et partenaires fidèles de la programmation du centre d’art. Ce projet inédit et inhabituel leur consacre tour à tour une semaine de carte blanche pendant laquelle ils proposent chacun trois œuvres.
Le Petit Programme est également présenté dans l’espace d’exposition de La Kunsthalle Mulhouse, tel un projet en construction alimenté au fur et à mesure des semaines.