Depuis plusieurs années, Stephen Wilks donne naissance à un bestiaire qui lui sert à sonder, comprendre, révéler le monde qui nous entoure. A La Kunsthalle Mulhouse, il présente Foules, Fools un ensemble de pièces qui apparaissent, sous des traits ludiques et à travers un jeu relationnel, comme les révélateurs d’une nature humaine éphémère et conquérante.

Récemment son monde animalier a accueilli une nouvelle figure : le squelette. Avec beaucoup d’humour mais aussi sur un mode interrogatif et parfois dérangeant, il crée des personnages qui mêlent à la fois la figure du bouffon et de la mort, et viennent amplifier un discours proche de la critique sociale. Porté sur le présent, le travail de Stephen Wilks puise ses sources dans une imagerie issue de la danse macabre, à la manière du peintre expressionniste James Ensor ou du caricaturiste José Guadalupe Posada.
Masqué derrière ses figures animales, telles le cheval de Troie repris dans sa série des Trojandonkeys, Stephen Wilks a su trouver une place de choix au milieu de ses semblables. Il ne se place ni en moralisateur, ni en calculateur mais en observateur privilégié.
La notion de déplacement est omniprésente dans ses œuvres et dans ses expositions, n’apparaît pas comme une nécessité, comme un état physique qui seul permettrait la création. Ce sont davantage les œuvres qui sont en mouvement que l’artiste lui-même. Il n’est pas de ceux qui ont développé une réflexion dans la situation du marcheur ou du voyageur. Chez Wilks, le mouvement est constitutif des rapports sociaux et du jeu social qui nous entourent. Aussi, l’intégrer à sa démarche, voire l’amplifier, lui permet de créer des pièces qui s’immiscent ludiquement et subtilement à l’intimité d’un public avec lequel s’installe alors un jeu de complicité. Sur le mode de la rencontre repose toute sa pratique, elle pose la confiance et la connivence entre l’artiste et le spectateur comme le seul terrain d’étude possible.
Cette exposition, comme souvent chez Stephen Wilks, se déploie à la manière d’un cortège. Tandis que ses parades (Animal farm à Louvain en 2008) ou ses ânes (Trojandonkeys) sont des pièces qui ont le déplacement pour fondement, Foules, Fools suggère une avancée, un sens qui mène le spectateur du manège au rez-de-chaussée à la chenille du fond de l’espace. Une progression s’installe lentement, un voyage s’effectue un peu comme une procession sur un chemin de vie.
Chaque pièce de l’exposition se présente à la manière d’un tableau qui interroge notre place à «l’échelle humaine», et peut-être notre passage sur terre. La déambulation ainsi comprise n’est pas sans rappeler le principe des chemins de croix dans la tradition chrétienne : échelonnés de stations, ils évoquent les différentes étapes de la vie du Christ. Les tableaux de Stephen Wilks sont allégoriques, ils renvoient à un jeu de relations complexes que l’artiste ramène à une vanité certaine, accentuée par la présence nouvelle des squelettes dans son bestiaire.

Une proposition de Sandrine Wymann.