L’exposition hors les murs a pour objet de proposer des regards croisés de scientifiques et d’artistes sur des phénomènes physico-chimiques. L’association entre scientifiques et artistes est l’occasion d’interroger les processus d’appropriation d’une phénoménologie en fonction de la culture, des compétences et des techniques de chacun. Des visites guidées et des conférences « grand public » organisées autour de cette exposition tentent d’éclaircir les processus communs ou non à l’élaboration d’une connaissance scientifique et à celle d’une œuvre d’art.

Artistes : Anita Molinéro, Juliana Borinski et les chercheurs de l’IS2M

« L’art et la science s’enrichissent quand les artistes et les scientifiques coopèrent pour dépasser leurs limites, élargir leurs champs d’interventions. Ils croisent des problématiques, des méthodes, des objectifs. Ils mettent en lien des savoirs et des analyses mais conviennent à la fois d’une proximité et d’une radicale divergence. Certains artistes affirment une méthode de travail qu’ils qualifient communément de scientifique. Ils observent un décalage, formulent des hypothèses qui expliquent leurs observations, leurs questionnements et vont parfois en s’appuyant sur des compétences scientifiques, jusqu’à évoquer des solutions à leurs problématiques. Ces procédés passent par des stades de recherches et d’études importantes. On parle alors « d’artistes chercheurs », appellation qui fait référence à une certaine rigueur et à une dimension expérimentale. L’artiste comme le scientifique cherchent, passent par des étapes clés de tests, de mises en œuvre et n’excluent pas une part de subjectivité. Ils travaillent tous deux selon des schémas, des modèles et leurs expériences sont ouvertes à une part d’intuition qui in fine les mène à des découvertes parfois fortuites. Dans cette part de hasard, dans la propriété non maîtrisable du matériau utilisé ou étudié, une artiste comme Anita Molinéro trouve et produit ses sculptures. Le plastique qu’elle façonne, torture, maltraite qui lui échappe malgré la mise en œuvre d’actions ou de traitements précis, prend des formes qui répondent aux lois de comportements des matériaux polymères et à leurs propriétés intrinsèques. Au final, ses sculptures, modestes ou immenses, sont le résultat de la conjugaison d’un geste créateur maîtrisé et du hasard d’un processus physico-chimique. Pour d’autres artistes, ce même geste créatif est le fruit d’une recherche appliquée et minutieuse qui s’affirme en tant que telle mais pas nécessairement à travers le résultat qu’il produit. L’œuvre dans ce cas existe parce qu’elle se réfère à l’expérience de sa fabrication. Le processus ici prime sur l’aboutissement, la question du support, de la forme s’impose comme une étape supplémentaire et douloureuse qui n’a de sens pour l’artiste que dans la mesure où son travail est destiné à être montré, exposé. L’artiste se pose alors la question de comment donner à voir (et non pas à comprendre) comment donner forme à l’infiniment petit, l’imperceptible, l’indéfini ou l’invisible. Dans son travail In the Soul of film, projet d’observation et de création, Juliana Borinski étudie des structures complexes concrètes de la pellicule photographique et les restitue plastiquement par des images abstraites gravées ou par un procédé de « nanophotographie ». De son côté, au cours d’expériences, le scientifique créé, découvre des formes ou des images qui retiennent l’attention et séduisent. Leur valeur esthétique n’est pas une fin en soi mais suscite un véritable trouble qui ne laisse insensible ni les artistes, ni les observateurs. Montrer ces images, faire valoir leur dimension « esthétique » sans s’interroger sur leur intention artistique serait mettre en évidence une conception du beau qui est battu en brèche par l’artiste contemporain. Dans l’exposition ces visuels, souvent incroyables, seront présentés pour ce qu’ils sont scientifiquement, à savoir, des images qui servent à construire des lois de comportement, à vérifier des théories.
L’ensemble des pièces qui constitue FORMules permet d’aborder quelques-uns des rapprochements possibles entre les arts et les sciences. Les œuvres exposées confirment que le champ scientifique, volontairement ou intuitivement, est fortement lié à la création artistique contemporaine et que le concevoir, c’est aussi enrichir les démarches les regards ou les objectifs de part et d’autre. »
Sandrine Wymann, Laurent Vonna